J’entends les gens murmurer des choses au sujet de cette mer que je vois chaque jour mais dans laquelle je ne pénètre jamais.
« Oh, la Mer Rouge, on dit que c’est une des mers les plus riches du monde. Les coraux sont si touffus et colorés. Et les poissons. C’est fou, vous avez vu cette variété ? La dernière fois il y en avait tellement que je croyais traverser un nuage de cigale. En parlant de cigale, c’est l’heure de l’apéro. On y va Monique ? »
Et ces coraux ceci et ces poissons cela…
On n’est pas bien les pieds sur terre. Pourquoi cette folie d’aller voir ce qui se passe la dessous. C’est humide, on n’est pas tranquille, ça grouille de poissons en plus, les plongeurs reviennent toujours en disant « Il y en avait partout. ». Comment voulez-vous nager tranquillement dans ces cas là ? Mais les gens ils s’en fichent, ils veulent voir des POISSONS. Et je ne comprends pas pourquoi. Ils aiment les voir, les prendre en photo et ensuite ils vont au restaurant les manger. C’est une drôle de relation tout de même.
Vous savez a Hurghada il y a de tout. Il y a les expérimentés, ceux qui veulent aller sur les épaves et voir des bateaux qui se font recouvrir petit à petit par des coraux et sont habités par d’énormes Napoléon. Une fois il y en a un qui a dit avoir vu un poisson Clown gros comme un requin. Il doit venir de Marseille. Je ne sais pas ce que c’est Marseille, mais à chaque fois que quelqu’un voit quelque chose d’énorme il vient de là, bizarre !
Il y a ceux qui veulent faire des plongées tranquilles, comme ils disent, se promener, ne pas aller profond et en avoir plein les yeux. Heureusement qu’ils ont un masque sinon vous imaginez le tableau.
Puis il y a ceux qui débutent. Qui ne sont jamais allés sous l’eau. Moi je les préviens. Je leur dit de rester avec moi c’est plus sympa. En plus l’eau ça mouille. Mais je ne sais pas pourquoi ils m’ignorent toujours. Donc qu’ils y aillent s’ils veulent. Et là ils reviennent excités comme des puces d’avoir faire leur premier baptême et d’avoir eu la chance de nager avec des dauphins.
Mais ce qui m’agace le plus c’est leur sourire lorsqu’ils sortent de là.
« Que c’était bien. On a vraiment passé un bon moment. T’as vu toutes ces couleurs. La prochaine fois il faudra passer un niveau mon Bichon. En quatre jours c’est rapide, hein ? »
Et le Bichon il lui offre son cours lorsqu’ils reviennent. Du coup pas une minute pour venir faire un petit tour avec moi.
Mais je compte sur ceux qui s’accordent une petite journée de pause entre deux jours de nage intense. Car il ne faut pas oublier il est beau aussi notre désert. De toutes les façons, Hurghada est prise entre le désert et la mer. Donc on peut facilement troquer une paire de palme contre une paire de basquettes. Et ensuite direction le sable et les montagnes pour un après-midi Safari. A bord d’un 4×4, les aventuriers d’un jour traversent le désert à une allure dakarienne pour rejoindre un village bédoin, très sympathique d’ailleurs. Ils me donnent de l’eau tous les jours, je les aime bien moi. Enfin arrive mon heure de gloire. Les curieux s’approchent, certains me touchent et d’autres m’adoptent. Je fais le dos rond, je me laisse apprivoiser. Et puis le soir on fait la cuisine pour les invités venus de loin, moi je m’en fiche je ne mange pas de Kofta. Mais les clients eux repartent en se touchant le ventre comme si ils allaient exploser. Drôle de coutume. Et là arrivent des danseuses du ventre et des hommes en jupe qui tournent sur eux même pendant au moins 10 minutes. Moi je ne les regarde jamais sinon je tombe tout raide. A la nuit tombée, le petit Amir vient se blottir contre moi car il a froid, il m’appelle son ami à deux dos. Et moi je me mets à rêver qu’un jour je pourrais plonger. Mais les chameaux ça n’a jamais pu aller sous l’eau. Un plongeur content